Les enjeux environnementaux du numérique
Le numérique c’est écolo, non ? C’est dématérialisé donc ça a pas d’impact. Numériser ses activité réduit son impact sur l’environnement. On entend souvent ces phrases, mais est-ce que c’est vrai ? Si on creuse le sujet, on voit que c’est plus complexe que ça. En effet, le numérique est très matériel, que ça soit la fabrication des terminaux utilisateurs ou encore la consommation d’électricité des serveurs. Alors quels sont les impacts environnementaux du numérique ?
Pour le savoir, regardons cette étude de 2021 (NumEU). Elle étudie les impacts environnementaux du numérique dans l’UE. Pour ce faire, elle divise le numérique en trois niveau: terminaux utilisateur et IoT, réseau et datacenters. Elle utilise une méthode appelée l’analyse de cycle de vie (ACV) qui prend en compte les impacts sur tout le cycle de vie d’un produit. Les étapes considérées pour l’étude sont la fabrication, le transport, l’utilisation et la fin de vie.
Que nous dit l’étude ? Il y a 8 catégories d’impact environnementaux qui représentent 80% des impacts. Et parmi celles-là, il y en a quatre principales: Utilisation des ressources (minéraux et matériaux), utilisation des ressources (fossiles), changement climatique et radiation ionisantes. Je connais pas le sujet des radiations ionisantes et l’étude ne donne pas de détails, donc je ne vais pas en parler. Voyons plus en détail les impacts pour les autres catégories d’impact.
Utilisation des ressources minérales et des matériaux
L’activité des mines nécessaires à l’extraction des minerais utilisés dans le numérique est extrêmement polluante. Les minerais ayant des concentrations très faibles, il faut extraire d’immenses quantités de roches pour obtenir une petite quantité de métal. Cela crée énormément de déchets. Pour les métaux les plus communs, la teneur est entre 0.1% et 1%, et elle est encore plus faible pour les métaux plus rares. Pour une personne vivant dans l’UE, c’est l’équivalent de 1 110 kg de matériaux déplacés par année dans les mines, rien que pour le numérique.
La quantité de cuivre extraite dans toute la mine est représentée sous forme
d’une sphère. On voit qu’on doit creuser un immense trou pour obtenir une petite quantité de métaux.
Dans une mine il y a toujours plusieurs métaux, notamment des métaux toxiques comme le mercure ou l’arsenic. Quand on extrait les métaux qui nous intéressent, ces métaux toxiques se retrouvent ensuite dans l’eau et contaminent les rivières et les nappes phréatiques près des mines. Cela pose évidemment problème aux populations locales. Un autre problème majeur est la gestion des boues toxiques crées par l’exploitation des mines. Ces boues remplissent des zones immenses et les boues sont bloquées par une digue, à la manière d’un barrage hydroélectrique. Malheureusement, ces digues sont trop peu fiables et il y a chaque année des ruptures de digues. Elles entraînent des morts et répandent des boues toxiques dans l’environnement.
Avec le temps, les impacts environnementaux des mines augmentent. Comme on a commencé par exploiter les mines avec les plus grandes teneurs en métaux, les nouvelles mines ont des teneurs plus basses. On doit donc extraire de plus en plus de matière pour la même quantité de métaux. On a donc des impacts environnementaux de plus en plus grands. Cela ne fera qu’augmenter avec le temps, une bonne raison d’utiliser le numérique de manière plus raisonnable.
Les stocks de métaux sur la terre étant fini, il y a un jour ou on risque de ne plus pouvoir fabriquer de numérique. A la vitesse actuelle, c’est dans quelques générations seulement.
L’extraction de minerais est aussi responsable de guerres, comme c’est le cas en République démocratique du Congo. Dans ce pays, des groupes armés mènent une guerre pour les ressources depuis des décennies.
Pour aller plus loin, je vous conseille cette excellente intervention d’Aurore Stephant, ingénieure géologue minier et experte des impacts environnementaux des mines.
Changement climatique et utilisation des ressources fossiles
Le changement climatique étant un problème bien plus médiatisé, je vais pas passer trop de temps dessus. Pour en apprendre plus sur le sujet, je vous conseille les infographies de Bon Pote qui résument le dernier rapport du GIEC.
Le numérique c’est 4% des émission de gaz à effet de serre dans l’UE, ce qui est énorme. Comme point de comparaison, c’est autant d’émissions que l’aviation.
Pourquoi est-ce que le numérique émet autant de gaz à effet de serre ? Les ressources fossiles sont énormément utilisées dans la phase de fabrication, que ce soit pour l’extraction des métaux ou encore la fabrication des composants électroniques. Les ressources fossiles sont également utilisées pendant la phase d’utilisation. Beaucoup de datacenters sont encore alimentés par de l’électricité générée par des énergies fossiles tel que le charbon ou le gaz.
Consommation d’eau douce
Pour des raisons de jeux de donnée, l’étude ne prend pas en compte la consommation d’eau douce, mais c’est une ressource limitée et le numérique en consomme beaucoup. L’eau douce est principalement utilisée pendant la phase de fabrication du matériel. A Taïwan, pays produisant beaucoup d’électronique, les usines ont dû diminuer leur production suite à un rationnement d’eau pendant une sécheresse.
Avec le réchauffement climatique, les sécheresses vont arriver de plus en plus souvent. Il faudra donc choisir comment utiliser l’eau: est-ce qu’on veut en utiliser autant pour le numérique, sachant que d’autres secteurs comme l’agriculture en ont besoin ?
Pour aller plus loin
Si vous voulez aller plus loin, je vous conseille ces deux ateliers. D’abord la fresque du numérique qui est un atelier pour comprendre en équipe et de manière ludique les enjeux environnementaux du numérique. Ensuite la fresque du climat pour comprendre les enjeux autour du climat.
On est donc face à un très gros problème. Mais que faire ? Pour faire les bons choix, il faut comprendre comment sont répartis les impacts. Et ça tombe bien, j’en parlerai dans mon prochain article.